« Flying your own way »? Serge Ngajui Fosso, Bruxelles-transit…

Publié le par alf

Ce 10 mai, une manifestation a lieu à Bruxelles, à la mémoire d’un homme, Ebenizer Folefack Sontsa, décédé quelques jours après avoir résisté à une tentative d’expulsion de la Belgique vers le Cameroun. Il a été retrouvé pendu au centre fermé de Merksplas, où les autorités judiciaires ont conclu à un suicide.

Serge Ngajui Fosso, quant à lui, a passé quelques heures en cellule à l’aéroport de Zaventem pour avoir manifesté son incompréhension et son opposition lors du vol transit qui devait l’amener à Kinshasa et ramener le sans papier. Il n’avait pas pu s’empêcher de réagir face aux scènes de violence physique dont il a été le témoin. Mal lui en a pris, voici son récit. « Brussels Airlines, flying your own way »…

«... 

De: Serge NGAJUI FOSSO >

 

Bonjour à tous, Je vous envoie ce message de Mons en Belgique. J'y suis arrivé hier 26 avril 2008 peu après minuit et après avoir été expulsé violemment du vol de SN Bruxelles Air Lines à destination de Kinshassa via Douala et gardé en cellule à l'aéroport de Bruxelles de 11:00 à 22:00 sans manger, ni boire et sans pouvoir contacter ma famille. Petit compte rendu: Nous sommes le 26.04.2008, je me rends au Cameroun pour mes vacances. Je pars de Clichy à 5:30 en taxi pour CDG1. Je pars de Paris à 7:40 pour Bruxelles avec un vol SN Bruxelles Air Lines et doit prendre la correspondance pour Douala à 10:40 à l'aéroport de Bruxelles. Lors de mon entrée dans l'avion entre 10:00 et 10:45, je suis bien accueilli par les hôtesses, je vais rejoindre mon siège, le N° 41H qui se trouve vers le fond de l'avion, à 5 ou 6 rangées de mon siège.

Lorsque j'y arrive, il y a au fond de l'engin à la dernière rangée des hommes habillés en tenue grise et qui essayent de maitriser un homme de couleur noire. Celui-ci se débat et crie : « Au secours, laissez moi, je ne veux pas partir». Les hommes en gris essaient de l'empêcher de parler en l'étouffant. Le jeune homme se débat comme il peut et continue de crier car il y a sur lui 4 colosses en gris. D'autres policiers en civile ont établis un périmètre de sécurité et personne ne peut aller vers le lieu du drame qui se déroule sous nos yeux. Je me rends compte que c'est une expulsion, l'homme que l'on expulse est toujours maitrisé et étouffé et pousse des cris que l'on n'entend plus bien. Je me souviens alors de Semira Adamu, une jeune nigériane qui était morte en septembre 1998, il y a 10 ans lors d'une expulsion similaire à celle qui se déroule sous mes yeux dans un avion Sabena. Que dois-je faire ?

Rester sans rien dire comme les autres ? Agir ? En tant que militant des droits de l'homme et des étrangers, je me lève, interpelle l'hôtesse la plus proche de moi proteste en lui disant fermement et à voix haute que ceci est un vol commercial et que je ne saurais voyager dans ces conditions. D'autres passagers jusque là restés calmes se lèvent et protestent à leur tour. Je filme comme d'autres passagers la scène avec mon appareil photo. Devant cette protestation générale, les hommes en gris quittent l'avion avec leur passager. Quelques minutes plus tard, des policiers montent dans l'avion, trois personnes sont désignées par les policiers en civil, je suis parmi elles. Les policiers nous demandent de quitter l'avion, lorsque je pose la question pourquoi, ils se jettent sur moi, menottes aux mains, coups par ci par là, je saigne, je suis trainé dans les couloirs de l'avion et puis dans les escaliers avant d'être jeter dans un fourgon de la police sans mes 2 valises en soute et ma petite valise de cabine. J'ai quelques bobos sur le visage et les mains blessées par les menottes. De ce fourgon, je remarque qu'une policière a mon appareil photo dans la main et visionne certainement mon petit film de la scène de l'avion. Une dure et longue journée commence pour moi sous les insultes et les maltraitances des policiers qui m'emmènent au cachot de l'aéroport de Bruxelles.

A 13:35 la police nous libère, nous sommes 2 à ce moment un autre camerounais qui était dans la bande des trois expulsés et moi. Je n'ai plus vu le troisième, un homme de couleur blanche. Au moment de notre libération, la police nous informe que nous ne voyagerons plus pendant les six prochain mois avec la compagnie SN Bruxelles Air Lines. A la question de savoir comment nous allons faire pour nous rendre au Cameroun, la police nous renvoie vers la compagnie. Avec mon compagnon d'infortune, nous nous y rendons. Nous demandons à rencontrer l'un des responsables de la compagnie, on nous indique que le responsable de la sécurité de la compagnie arrivera bientôt. Nous patientons, j'ai une pensée pour ma petite fille qui m'attend à Douala avec impatience et enthousiasme et qui certainement sera très déçue de ne pas me voir.

Je suis en colère, très en colère. La responsable de sécurité de la compagnie arrive et nous informe que nous avons tous les 2 étés fichés dans la liste noire (pas blanche) de la compagnie et ne pourrons plus voyager avec elle pendant les 6 prochains mois. Je lui demande alors comment nous faisons dans ce cas pour arriver à Douala. Elle m'indique que c'est à nous de voir et que la compagnie ne nous remboursera pas.

Après ces mots, ma colère monte, mon ton aussi, je signale a cette dame que je n'ai pas de problème si je ne voyageais plus jamais avec SN Bruxelles Air Line, mais que je souhaite rentrer à Paris et surtout me faire rembourser car la compagnie n'a pas rempli son contrat.

Mon ton est haut mais courtois les passants nous regardent, la dame appelle la police qui vient et me ramène cette fois seul au cachot. J'y resterais jusqu'à 22:00 sans manger, ni boire et ni contacter ma famille. Mon neveu qui habite Mons est contacté et arrive avec son épouse entre 21:00 et 22:00. Les policiers m'informent de leur présence et m'indiquent que je suis libre de rentrer avec eux. Je leur dis que je ne comprends pas pourquoi j'ai été en cellule toute la journée dans ces conditions et que je ne souhaite pas la quitter avant qu'une solution ne soit trouvée à mon problème : partir à douala ou rentrer sur Paris et être remboursé.

Des explications se font de part et d'autres, les policiers souhaitent que je quitte la cellule et moi je souhaite y rester, ce qui visiblement ne les satisfait pas. Les policiers décident donc de me sortir de la cellule par la force, me remettent mes affaires, je refuse de les prendre. L'un d'entre eux me menace, me tient par le cou et me pousse hors de leurs bureaux et me balance mes affaires sur la figure, je m'en vais sans les ramasser. Mon neveu et son épouse me rejoignent je suis une fois de plus en colère, très en colère de tout ce qui se passent. Je leurs demande de rentrer à la maison, ils refusent évidemment. L'épouse de mon neveu va voir l'un des policiers qui lui donne mes affaires et des informations sur les démarches que je devrais faire. Elle revient avec mes affaires, il y manque mes lunettes de soleil Ray Ban et en plus la vidéo de la scène dans l'avion a été effacée de mon appareil photo, sûrement par les policiers qui m'ont interpelé.

Une preuve vient d'être détruite, heureusement pas toutes car d'autres passagers ont filmé la scène. Je suis toujours en colère, très en colère, je pense à ma petite fille pour qui j'ai exceptionnellement pris mes congés, je suis en colère parce que ces derniers jours ont été éprouvants professionnellement, physiquement et moralement. Je suis en colère, très en colère parce que je suis du genre calme, courtois et surtout pas violent. Or toute cette journée, j'ai été traité avec mépris et violence parce que j'ai été un moment la bouche d'un malheur qui n'avait point de bouche, parce qu'en protestant dans l'avion, je suis allé au secours d'un être humain qui était maltraité et qui demandait du secours.

Je suis en colère parce que je suis fatigué et que je souhaitais prendre quelques semaines de repos et aller passer du temps avec ma petite fille. Je ne sais pas quand et comment je me rendrai au Cameroun. Je ne sais pas au moment où je vous écris où sont mes valises. Avec patience mon neveu et son épouse m'ont convaincu de les accompagner chez eux à Mons. Nous avons demandé une attestation indiquant que j'étais en cellule de 11:00 à 22:00, le policier de faction a eu la gentillesse de m'en donner une en Néerlandais. Nous sommes arrivés à Mons peu après minuit. J'avais des douleurs partout, sur le visage, les bras, les doigts au dos et une très grosse faim, j'ai mangé sans appétit et je suis allé me coucher.

Ce matin, je suis un peu plus calme, j'ai encore quelques douleurs aux doigts, aux bras et au visage. Je vais me rendre à Bruxelles pour me faire signifier officiellement que je suis sur la liste NOIRE de la compagnie, que je ne voyagerai plus avec cette compagnie et que je ne serai pas remboursé. J'espère également retrouver mes valises dans l'état où je les avais confiés à la compagnie. Une autre dure journée va commencer, comment se terminera-t-elle ? Je n'en sais pas grand-chose pour le moment. Je peux simplement préjuger qu'elle ne sera pas facile car je ne compte pas laisser passer cette histoire sans réagir. Je vais faire un appel à témoins et engager une action contre SN Bruxelles Air lines.

On en reparlera. Sur ce, je vous souhaite un bon et agréable dimanche. Prière diffuser largement ce message. A bientôt ! Et mon combat continue. Serge N FOSSO +33626710385  ... »

Voir le reportage télé sur ce sujet, diffusé sur la RTBF

 Un collectif s’est constitué la mémoire de Folefack

 

 

 

 

 

 

Publié dans squat'land

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A
lu pour vous via un courrier ud CRER"<br /> Bonjour à Tous,<br />  <br /> Par la présente, je souhaite simplement vous confirmer que le 26 avril 2009 à 9h00, Philippe LEONARDON, Claude NDEMA MOUSSA et Serge NGAJUI FOSSO seront à l'aéroport de Bruxelles-Zaventem pour le 1er anniversaire de l'expulsion ratée de feu Folefack et de leur débarquement violent du vol SN 351 de Brussels Airlines par des éléments de la police fédérale Belge.<br />  <br /> Par notre présence, nous souhaitons attirer l'attention du public sur les fait suivants:<br />  <br /> <br /> La situation des SANS PAPIERS en Belgique n'a pa changé. L'on attend toujours la circulaire pour la régularisation des Sans Papiers.<br /> <br />  <br /> <br /> Les expulsions des Sans Papiers continuent. Nous demandons que ces expulsions, soient faites dans le respect des DROITS de ces derniers et de la DIGNITE HUMAINE.<br /> <br />  <br /> <br /> Nous souhaitons rappeler à Brussels Airlines que jusqu'à ce jour elle ne nous a toujours pas expliquer, encore moins à l'opinion publique, les "FAITS GRAVES" dont nous nous serions rendu coupables et qui auraient justifié "la demande" ? de notre débarquement. Nous souhaitons lui rappeler qu'elle s'est comportée et se comporte encore, 12 mois après les faits, comme une compagnie aérienne complètement irresponsable.<br /> <br />  <br /> <br /> Nous souhaitons rappeler à la Police Fédérale Belge (en tout cas à celle qui nous à débarqué avec une violence incompréhensible et infustifiée) que nous sommes toujours à le recherche de la personne physique ou morale qui a demander notre débarquement, des raisons qui justifiraient notre débarquement, notre détention, le vol de mes images, les insultes à caractères racistes, les coups et blessures, la violation de nos droits et notre libération 90 minutes plus tard.  <br /> <br />  <br /> <br /> Nous étions là hier, nous sommes présent aujourd'hui, nous le seront demain, après demain, dans un mois, dans un an, dans dix s'il le faut pour demander des comptes à tous ceux qui, par leurs attitudes irresponsables ont abusé de leur autorité pour nous maltraiter, violer nos droits et notre dignité, salir notre honneur et nous diffamer.<br /> <br />  <br /> PRIERE FAIRE CIRCULER CE MESSAGE<br /> Serge N FOSSO 9 Villa Jean - Jaurès<br /> 92110 Clichy - Francegsm: +33.6.26.71.03.85   "
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J
Nous sommes absolument d'accord sur ce dernier point.
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<br /> hello juliana... je n'en doutais evidemment pas !<br /> ;-)  à bientôt<br /> <br /> <br />
J
J'ai lu ton sujet il y a quelques jours Alf. J'ai laissé mûrir ma réponse parce que bien sûr il m'interpelle, j'ai connu de près des cas de sans papiers... Le fait que tu relates ici est plus que navrant, il n'y a pas de mot assez fort... mais je refuse de commenter un fait tout seul sans le prendre dans sa globalité. L'Europe a beaucoup à faire dans ce domaine. Il ne s'agit pas seulement d'ouvrir les portes toutes grandes sans rien gérer. Nos systèmes, qui déjà fonctionnent parfois difficilement, reposent sur des fondements qui seraient très vite ébranlés si nous laissions le monde entier qui n'y participe pas, aller et venir sans contrôle. C'est une situation qui se gère, reste à savoir comment ? Que fait-on ? Qu'allons-nous faire ? Pour le moment je crois que nul n'a la réponse. Ce n'est pas pour cela qu'il faut cesser d'y réfléchir. 
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<br /> Je crois juliana que nous avons déjà eu ce type de conversation ici ou ailleurs, non ;-? Il ne faut pas se tromper de sujet : il s'agit juste ici de dénoncer<br /> l'irrespect d'êtres humains, pas de question d'immigration. Par ailleurs, la situation en France où l'on "découvre" des milliers de sans papier qui font vivre une partie de l'économie française (et<br /> le secteur de la restauration en particulier) à "bas prix" devrait remettre un peu les pendules à l'heure sur ce débat et les vieilles phrases sur "toute la misère du monde" et compagnie qui ne<br /> reflètent pas  la réalité socio-économique de cette population spécifique des sans papier.<br /> <br /> Je voulais relayer des faits. Un homme a été traité comme un voyou et a subi humiliation, coups, dédain voire racisme parce qu'il s'est civiquement interposé dans un avion face à une scène de<br /> violence qu'il a jugé insupportable. C'est tout à son honneur et ce serait à l'honneur des flics et de Brussels Airlines de l'avoir traité correctement. ce ne fut pas le cas. C'est lamentable,<br /> point barre.<br /> <br /> <br />