L'artiste et « l'autiste »

Publié le par alf

L’homme est bulgare ou albanais ou monténégrin. Des Balkans. Avec du sang slave dans les veines, pour sûr. On l’entend de loin, du bout de la rue Neuve. Une voix ronde, chaude, à la fois triste et joyeuse. Nostalgique?

 

On l’aperçoit, sourire en coin. L’oeil rapide à fixer l’intérêt suscité auprès du passant. Un séducteur. L’enveloppe charnelle est à l’image de la voix: bonhomme, volumineuse. Et plus on s’approche, plus cette voix accompagnée de la plainte lancinante d’un accordéon porté en bandoulière se fait énorme. Comme si la puissance du gaillard envahissait la rue, écrasait les promeneurs contre les vitrines, bouffait tout l’espace, et apprivoisait nos sens.

 

Cinquante mètres plus loin, au milieu de la foule en marche, un autre homme. Petit, malingre, sec. A genoux, avec un semblant de guitare entre les bras. Une gratte qui sortirait tout droit d’une décharge, avec des cordes invraisemblables.

 

Il ne chante pas, il se contente de frapper deux malheureux « accords » machinalement, sans vraiment chercher de mélodie, ni d’histoire. Rien qu’un rythme. Un rythme saccadé, comme son balancement, son hochement de corps. Un autiste au milieu du tumulte.

 

Cinquante mètres entre l’artiste et « l’autiste ». Une seule lettre de différence, et beaucoup d’indifférence autour. Qui a fait le plus d’argent ce jour-là?

Publié dans Poètes de la rue

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