Raynaud et le pot aux Rrroses

Publié le par alf

Jean-Pierre Raynaud donc. Non, pas le fils de Fernand, même si je lui trouve un air de famille. L’homme aux pots de fleurs Lewis-carolliens répétés à l’infini (à noter qu’il a fait horticulture avant de faire artiste). Une démarche entre Warhol et Buren (pour l'aspect répétitif), Ben et Monsieur Bricolage (pour le côté accessible par tout le monde). Un profil « Alain Delon de l’art contemporain » aussi. On l’écoute, en 2005:

« Les objets Raynaud, du premier Pot au dernier Drapeau contiennent tous cet axiome OBJET RAYNAUD qui valide chacun de mes gestes, c’est l’idée d’une lecture directe. Ainsi une œuvre est l’Œuvre, quitte à le répéter à des milliers d’exemplaires. Pour moi chacune d’entre elles possède cette autonomie absolue et nécessaire, qui lui permet d’atteindre son statut d’Œuvre d’art. C’est l’aventure du pot de fleur avec lequel j’ai pu tout traverser.

Le Pot, c’est l’archétype de l’archétype. Il donne le ton, l’axe et la méthode. Il est celui qui reste constant dans mon travail car il est le premier geste qui signifie mon engagement et ma responsabilité d’artiste.
Dès lors, la place que je donne au présent devient essentielle permettant ainsi à mon regard et à mon action d’être confrontés au monde extérieur, à l’actualité. C’est une prise de risque dont je ne veux pas faire l’économie. Les œuvres produites doivent être capables de supporter la confrontation au réel et d’y être actives. Les Raynaud de Raynaud, c’est la mise en perspective d’un projet individuel, d’une liberté, c’est aussi une nouvelle appréhension de l’Œuvre et de l’Art dans un contexte mondial en pleine mutation. »

Amen

J’avais vu sa rétrospective au MAMAC à Nice, il y a quelques mois. Rien de charnel, tout en conceptuel. Rigolo, intéressant… et répétitif. Disons qu’un bon Alka-Seltzer avait été fort utile ensuite. Puis je me suis rappelé ce documentaire sur la Maison de l‘artiste.

Si mes souvenirs sont bons, le garçon, un brin monomaniaque, avait tout construit lui-même. Tout en dalles. Genre salle de bain (ou chiottes publiques, si vous préférez) - jusqu’au moindre objet: table-basse, fauteuils, etc. Sa femme de ménage était enchantée. Sa femme tout court, beaucoup moins.

Et puis un jour, Jean-Pierre il avait recouvert les fenêtres aussi. Avec des dalles, pareil. Alors son poisson-rouge, il était devenu aveugle. Du coup, Jean-Pierre avait tout pété. A la masse. Je cite: « selon moi, le présent est une remise en cause permanente que l’artiste s’autorise, pouvant aller jusqu’à la destruction de son travail ». Un vrai de vrai quoi. Un puriste. Un peu borderline peut-être, ce qui me le rendait fort sympathique. Il m’a même fait penser à l’ami Jean-Claude (http://chroniknroll.over-blog.com/article-1748538.html), pour le côté « bâtisseur de l’impossible » , c’est tout dire.

Et puis il y a quelques semaines, Jean-Pierre décide de vendre d’un coup les 80 œuvres de sa collection personnelle en vente publique chez Christie’s, celles exposées au MAMAC justement. 45 ans de création. Estimation: entre 10.000 et 40.000 euros par oeuvre. Avec un record en 2004: 93 600 euros pour un pot de fleurs (mais sans Tournesols dedans). Ce qui revient cher le pot de fleurs, tout de même, même géant.

Mais! Mais, mais, mais… C’est à ce moment-là que notre ami Jean-Pierre sort de sa casquette une idée à faire frémir le Marché de l’Art… Il décide d’abord de… tout casser - Ca y est ça lui reprend! - puis dans la foulée se ressaisit et a l’idée d‘un coup énorme: une vente sans prix-plancher! Tout doit partir, même à un euro! Précisons que tout cela se déroule pendant la FIAC, la sainte Messe de l’art contemporain et qu’un petit coup de pub n’est jamais superflu.

N’empêche, on se dit: chapeau bas le Jean-Pierre, sévèrement burné le lego-man aux dalles en céramique, le VRP de Leroy-Merlin. Je dirais même plus: attitude pour le moins rock n’roll, dada, iconoclaste. Bravo! Z’imaginez? Toucher à l’argent, au Marché, à l’Art avec un grand $… Au dollar, maître-étalon du talent, voire du génie… Raynaud relançant le débat sur le sens de la création plastique dans nos sociétés post-modernes, où l’Art est devenu une valeur-refuge comme l’or ou le pétrole. Oser pisser dans le bidet-pompe à oseille… Un truc jamais fait dans l’Histoire. « Un risque, un vrai risque ». Dixit JP. On allait enfin pouvoir parler de l’art autrement que par le biais du fric, grâce à Jean-Pierre.

Résultat des ventes? 2 235 800 €. Soit nettement plus qu'à l'accoutumée. Un échec sur toute la ligne. Une immense déception… Mais pas pour Raynaud qui était chez Taddeï le 26 octobre, avant la vente. Puis le 30 octobre dernier, après coup. Sa conclusion? Le Marché de l’Art aurait juste confirmé son talent (je résume). Un adoubement en quelque sorte. Notre ami Jean-Pierre pouvait retourner à ses pots de fleurs. Tranquille.

Finalement, je crois que je préférais Fernand, dans la famille des Raynaud.

Publié dans actu' land

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C
merci pour ce post : je ne connaissais pas ce Raynaud là.mais l'art contemporain, c'est comme le rock indépendant, je naime que si l'artiste ne prétend pas en être un.
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A
Alors tu ne dois pas aimer grand monde dans cet univers-là ;-) ! <br /> Pareil...<br />  <br /> ps: pour Raynaud ceci dit je reste interrogateur...
S
Je suis bien d'accord avec toi...Ce n'est pas dada, ni surréaliste, ni ready-made, c'est juste conceptuel... comme le prix de la vente
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A
... ni rock'n roll ! ;-)<br /> merci de ton passage et pr ton com'